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Résumé
« Au-delà du chef de village. Une anthropologie historique de l’autorité dans le centre du Myanmar. »
Stéphen Huard
Les chefs de village sont des personnes atypiques dans le paysage politique local du centre du Myanmar. C’est à la fois une institution coloniale et une figure d’autorité traditionnelle. Créés lors de la « pacification » de la Birmanie Supérieure par les Britanniques (1886-1890) pour gouverner les campagnes, les chefs de village ont d’abord été décrits comme des serviteurs de l’administration, usurpant l’autorité des chefs traditionnels sous l’effet d’une rationalisation territoriale de l’État (Scott, 1972 ; Thant Myint U, 2001 ; Mya Sein, 1973).
Néanmoins, les qualités conférées aux figures d’autorités précoloniales (charisme, ancrage local et patronage) ont plus ou moins fait partie de leur apanage en fonction des auteurs et des périodes. En particulier, Manning Nash propose en 1963 une théorie du pouvoir où ces chefs sont réduits à la portion congrue à la faveur des hommes de hpon, dans la mouvance d’une anthropologie politique se focalisant sur le pouvoir comme qualité intrinsèque (Anderson, 1972 ; Errington, 2012) et sur le clientélisme/factionnalisme comme système politique majeur en Asie du Sud Est (Scott, 1972, 1977 ; Spiro, 1997). Il voit dans ces chefs de villages non plus des hommes de pouvoirs, mais des intermédiaires, des courtiers politiques faisant écho aux théories développées par l’École de Manchester (Gluckman, 1949 ; Kuper, 1970).
Après avoir situé cette analyse dans son contexte, il s’agira de retracer l’histoire d’un espace particulier – le village tract de Myinmilaung – afin de replacer les débats sur la nature du pouvoir au sein des transformations politiques de cette localité. L’accent sera alors mis sur les façons dont la perception du passé et des rapports de pouvoir à différentes époques sont autant d’éléments permettant de comprendre la position ambigüe de l’actuel chef de village.